La famine gagne les cités minières au Katanga

Publié le par kolwezinfo

RDC-POPULATION:
La famine gagne les cités minières au Katanga
Toto Kyanda – REPORTAGE

KOLWEZI, 5 mars (IPS) - (InfoSud) – L’abandon par les paysans de l’agriculture au profit de l’exploitation des minerais entraîne la famine dans les cités minières du Katanga, qui dépendent des importations de maïs de plus en plus coûteuses des pays d’Afrique australe. Pour éviter le pire, des ONG et les autorités locales essayent de renvoyer les gens au travail de la terre.

A Tchowelo, une cité minière de la périphérie de Kolwezi, à 300 kilomètres de Lubumbashi, la capitale du Katanga, les familles ne mangent plus à leur faim. La farine de maïs, qui constitue leur aliment de base, devient en effet une denrée rare.

Sur le marché local, le meka, petite mesure de 2 kilos de maïs, coûte les yeux de la tête. En l’espace de deux ans, son prix a plus que doublé, passant de 400 Fc (0,50 euro) à 1.000 Fc (1,30 euro). De quoi affoler les parents, qui ont souvent plus d’une bouche à nourrir. "C’est vraiment pénible pour moi", avoue Fanf Manengo, un père de famille de huit enfants qui travaille comme nettoyeur de minerais. A Mutoshi, à Kapata ou à Kasombo, d’autres cités minières situées aux alentours de Kolwezi, c’est la même galère. Kalenga Mwenze, une ménagère, explique qu’il faut pour une famille de taille moyenne de 5 à 6 personnes débourser environ 10.000 Fc (13 euros)) par jour pour préparer le "bukari" (la pâte de maïs) aux légumes, aux fretins ou aux poissons salés, contre 2.000 Fc (1,3 euro) auparavant. Un budget que peu de ménages peuvent réunir.

Du coup, "les conséquences sont désastreuses pour la population, notamment l’accroissement du taux de prévalence de la malnutrition", constate le docteur Jean-Claude Tembele, à l’hôpital général de Mwangeji, à Kolwezi.

La crise du maïs au Katanga était prévisible. Depuis que les agriculteurs se sont rués, ces dix dernières années, sur l’exploitation artisanale des minerais, leurs champs sont presque désertés et le maïs commence à manquer cruellement au Katanga. "Pourtant, avec la production locale, la province couvrait 60% de ses besoins", souligne Ilunga Numbi, chef du service urbain de l'Economie et de l’Industrie à Kolwezi. Aujourd’hui, le Katanga doit importer 80% de cette céréale de pays d’Afrique australe, comme la Zambie, le Zimbabwe ou l’Afrique du Sud.

Dans les cités minières, les agriculteurs convertis en mineurs semblent cependant se satisfaire de leur nouvelle vie. "En vendant une tonne d’hétérogénite (un mélange de cuivre et de cobalt, ndlr), je gagne 1.000 dollars en deux semaines", explique Augustin Mbuya Kawangu, tandis que Mbaya Lama, un agriculteur, dit n’avoir jamais gagné plus de 700 dollars en cultivant le maïs toute l’année. Le travail de la terre est souvent considéré comme difficile et ingrat.

Des ONG ont pourtant essayé de préserver l’activité, en distribuent des semences, des engrais ou des outils. Mais pendant la période de soudure, entre le semis et la récolte, soit de septembre à avril, les agriculteurs devaient demander de l’argent à ces ONG afin de tenir le coup. "Les ONG nous prennent pour des paresseux mais pourtant, nous devons faire quelque chose pendant la période de soudure pour avoir à manger. C’est pourquoi nous nous sommes lancés dans l’exploitation minière artisanale", explique Alexis Kalenga. Tout le drame est là. "Plus ils se sont intéressés aux minerais, plus ils ont consommé et épuisé les semences de la saison culturale suivante", constate Kat Kamin, responsable de l’ONG Le Berger. La crise du maïs s’est dès lors aggravée et pour essayer de l’endiguer, le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, a sonné le holà.

Mi-2007, il a ordonné à toutes les entreprises minières de la province de cultiver chacune au moins 500 hectares de maïs, ce que faisait déjà la Gécamines, l’entreprise publique qui avait jadis le monopole de l’exploitation du cuivre et du cobalt au Katanga.

Le gouverneur voulait ainsi régler définitivement la question de la carence de farine de maïs et en même temps empêcher les femmes et les enfants de traîner dans les mines ou les carrières. Quelques entreprises se sont mises à la tâche à Kolwezi. Elles cultivent aujourd'hui environ 2.500 hectares, mais leur production, qui n’en est qu’à ses débuts, ne peut encore prétendre répondre aux immenses besoins des populations.

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